Samedi 14 mai, Hambourg

Il est 6h45, mon réveil sonne comme d'habitude mais ce jour-là je suis plutôt d'une humeur massacrante. Hier je suis venue voir mon père dans son propre appartement pour ré-essayer de lui faire comprendre qu'être médecin sauveteur est ma vocation et comme tout le temps il refuse, soit-disant que je devais trouver quelque chose d'autre que cette profession. Bref, vous l'avez bien compris, il m'agace de plus en plus profondément. Ah si ma mère ne m'avait pas abandonnée, je serais sans doute plus tranquille. Depuis toute petite déjà je ne vis qu'avec Jens et jamais je n'ai eu de mère. Je soupire rien qu'à cette pensée. Je m'étire et me lève pour réaliser les mêmes tâches que d'habitude (ouvrir les fenêtres et les volets, chauffer le café - un bon cappuccino - déjeuner, m'étirer). Je profite d'un moment pour regarder la télé et je zappe sur une chaîne qui diffuse des bêtisiers. Je m'assois sur mon bon vieux canapé. A la fin de l'émission, je regarde ma montre : 8h30. J'éteins la télé, puis je file dans ma chambre après avoir fermé mes fenêtres et j'enfile ma tenue de sport (short et tee-shirt de la marque Addidas). Je m'échauffe quelques instants puis prends mes affaires (un sac banane m'attend en effet et contient mon portefeuille, mes papiers et mes clefs) quitte mon appartement et le campus. Je prends la grande avenue qui mène tout droit vers la base de Médicopter 117 puis je bifurque en direction du centre ville. Je passe devant une boulangerie quand je heurte soudain une femme et tombe par terre. Embarrassée, je me lève et je m'excuse aussitôt :

- Euh ?! Je vous prie de m'excuser Madame ! Vous n'avez rien ?

Je la regarde plus attentivement la dame en question et soudain je la reconnais : Gina Aigner, une des collègues de mon père. Rien qu'à cette pensée je me sens tiraillée par deux émotions contradictoires : la gêne et la colère. Ces émotions, sans que je le souhaite, s'affichent petit à petit sur mon visage.

* Pourvu qu'elle ne se rende pas compte de mes émotions sinon j'aurais droit à un interrogatoire assez poussé !*

Comme chaque matin j'ai pour habitude d'aller à la boulangerie pour aller chercher du pain. Eh oui le petit déjeuner chez moi c'est sacré et rien ni personne ne pourra me l'enlever. Même si je suis à la base il faut que j'ai quelques choses dans le ventre avant d'aller en mission. Perdu dans mes pensées je n'ai pas vu tout de suite ce qu'il se passait. Je viens d'être percuté par une personne. Une adolescente apparemment. En l'aidant à se relever je reconnais Anna. Elle vient souvent à la base pour voir son père. Je dis


"Se n'est pas grave. ça va aller... Et toi Anna?"

De nature assez sociable je n'ai pas vraiment d'ennemis. Je reprends au bout d'un moment

"Tu ne t'ai pas fait mal?"

(Note de l'auteur : Ok ! Suivant la suite - car, si j'ai bien pigé ton MP, tu as l'intention de continuer ton post - je développerai ce qui va suivre !)

Pendant que Gina m'aide à me relever, j'essaie difficilement de faire disparaître cette sensation gênante quand elle me demande si cela allait et si je n'ai pas eu mal. Je lui réponds vaguement :

- Vi ! Vi ! Ca va aller merci Mme Aigner !

Mais me sentant mal à l'aise à l'idée d’avoir percuté une personne qui est susceptible de m'aider à trouver les mots justes face à mon père qui est plutôt du genre "Môssieur je fais ce que je veux et toi fais ce que je te dis et on ne discute pas mes ordres !" (car voilà en gros la substance de toutes nos disputes) et plus que tout qui peut m'aider à le convaincre de me laisser vivre ma vie que cela lui plaise ou non, je ne peux m'empêcher d'ajouter un pitoyable :

- Ecoutez ! Je vous prie de bien m'excuser de vous avoir percutée ! Je ne vous ai pas vu du tout !"


Mais au fonds de moi, je me disais :

* Au secours faites qu'elle ne pose pas davantage de questions ! Ô mama mia ! C'est bien ma veine aujourd'hui ! *


Je la regarde et essaie tant de bien que de mal de lui sourire. J'attends un petit moment et je lui dis comme si rien n'était :

- Comment allez-vous ? Je vois que vous avez acheté du pain chez lui, est-ce qu'il est bon ?

Ne croyez pas que je cherche absolument à lui demander son avis et encore moins que je cherche à quémander quelque chose. Non ! Si vous croyez cela alors c'est que vous n'avez absolument rien compris. Je cherche en fait à faire oublier ce petit "accident". Si mon père entendait parler de ça, il serait très certainement rouge de colère et ce serait de nouveau l'enfer. Déjà qu'on s'est violemment disputé hier, pas la peine d'en rajouter.

Anna ne m'a jamais tutoyé. Elle reste toujours avec cette tendance à me dire vous et pourtant je n'arrête pas de lui dire que je préfère que l'on me tutoie. Mais bon peut être qu'un jour elle y arrivera. Elle n'a pas besoins de s'excuser. Je dis

"ça va Anna tu n'as pas besoins de t'excuser pour si peu il n'y a aucun mal."

Elle me demande comment je vais. Après un sourire je dis

"Je vais bien pour le pain il est délicieux mais le meilleure se sont les viennoiseries."

Je sourit et je dis

"Je ne travaille pas tout de suite tu veux qu'on prennes un petit café?"

Mon jogging a fait une pause devant cette boulangerie et suite aux réponses de Gina je me sens soulagée. Elle me dit que les viennoiseries sont meilleures que le pain ! Tiens ?! Je n'ai même pas remarqué cela. De toute façon il faut que je finisse mon jogging et que je fasse mes courses sinon je tomberai dans les pommes ce lundi-là ! Elle me propose ensuite de boire un café avec elle, souriante, je lui réponds :

- C'est avec un immense plaisir, mais je dois d'abord finir mon jogging et faire quelques courses pour remplir mon frigo. Je vous invite chez moi ! Ca vous dit ?

C'est vrai qu'elle m'a demandé de la tutoyer, j'ai beau essayé de tutoyer les collègues de mon père quand ces derniers me le demandent mais c'est très souvent le vouvoiement de respect qui me revient au galop et naturellement. Encore une habitude que je dois faire disparaître maintenant ! Avant qu'elle me réponde ou qu'elle ne réagisse, je reprends mes deux dernières phrases en insistant bien sur mon invitation :

- Pardon ! Je t'invite chez moi ! Ca te dit ? Par ailleurs si ton mari veut venir, il n'y a pas de souci, j'ai de la place.

Anna est une fille formidable, pour son âge elle est mature. Son père le sait mais il l'a voit encore comme une enfant, il veut que son bien, il veut l'a protégé. Un père qui s'inquiète est normal. On ne peut pas aller contre cette nature. Anna semble bien aimé courir. Moi aussi j'aime bien courir. Je dis

"Tu veux qu'on le fasse ensemble ce jogging? ça fait un moment que je n'en ai pas fais et c'est plus agréable de courir à deux."

Elle m'invite chez elle. Je sais que pour elle le tutoiement est difficile mais elle reprends sa phrase. En souriant je dis

"C'est avec plaisir Anna que j'accepte. Mark travaille beaucoup en ce moment et il a besoins de se reposer quand il rentre de garde."

Je sais pas quoi dire d'autre, j'étais dans mes pensées quand la collègue de mon père me propose de faire le reste du parcours jusqu'à chez moi. Sachant qu'il me reste du café classique et du cappuccino à la maison et des viennoiseries, je souris et je lui dis :

- Chargée comme tu es ?! Ce n'est pas compliqué de courir avec du pain sans les bras ?

Elle me parle de son mari qui est soit en mission soit au repos, je lui demande :

- Il bosse aujourd'hui votre mari ? Et si c'est son jour de repos et s'il est réveillé, tu sais qu'il peut venir.

J'aime beaucoup Mark, contrairement à mon père, lui a remarqué que j'ai grandi et il m'encourage assez souvent. En clair il me donne des ailes là chose que mon père ne fait pas. Et en ce moment-même, je suis en présence d'une alliée importante car elle aussi a vu que je suis passée de l'adolescente de 16 ans à la jeune adulte de 23 ans et ça, ça n'a pas de prix.